[Réédition de l'article : après publication, il m'était apparu que la compréhension de cet article pouvait porté à confusion s'il n'était pas lu dans la continuité du 1er : "Etre une enfant parfaite" . Je l'ai alors remodelé afin que mon message soit plus clair. 04/06/17]
Comme souligné dans le premier article, une femme se heurte aux représentations sociales et aux normes dominantes : tout mener de front et être une femme parfaite. Après avoir expliqué comment l'environnement familial, scolaire et sociétal induisent la petite fille à être une enfant parfaite (article ci-dessous), voici en quoi les croyances sociétales imposent à la femme d'être une mère "parfaite".
Ce modèle de la mère "parfaite", que les femmes en soient conscientes ou non, pèse sur elles. Elles se définissent par rapport au rôle que la société attend d’elles.
En premier lieu, dans le regard de la société et sous le joug des croyances, la maternité fait et définit la femme.
Ainsi, même si les mentalités ont évolué depuis 20 ans, les femmes sans enfant, que cela soit par choix (childfree) ou pour raison médicale (childless), sont considérées comme n’étant pas des femmes à part entière. On demande toujours à une femme pourquoi elle n’a pas d’enfant et non pourquoi elle en a ! Comme si le fait d’enfanter allait de soi.
Je rejoins Elisabeth Badinter qui déplore que les femmes childfree sont « qualifiées d’irresponsables et d’égoïstes ». Chacune est libre de ses choix. Parallèlement est apparu le mouvement naturaliste « Leche Ligue » qui réaffirme l’abnégation de la femme au profit de son enfant. Le bonheur de la femme ne se trouve, selon eux, que dans la maternité. L’allaitement jusqu’à ce que l’enfant refuse de lui-même le sein (quel que soit l’âge qu’il atteint) est une de leurs actions phares. Elle ne travaille donc pas, fait passer son enfant avant tout et lui sacrifie tout son temps et son énergie.
Cette vision et ce choix de vie reflètent cependant une norme établie dans notre société à savoir que « la fonction parentale exige […] l’oubli de soi et de ses désirs afin d’être disponible pour ces enfants » (Badinter). De fait selon cette injonction à la perfection, la mère est également responsable de l’épanouissement et de la réussite de ses enfants. Elle se doit donc d’être disponible et de les accompagner pour leurs activités extérieures et le soutien scolaire. Mais, comme l'expose Marc Dumas, des femmes actives « […] souhaitent transmettent à leurs enfants l’image d’une mère qui exerce son métier intensément, avec plaisir et passion […] » . Alors elles jonglent avec leurs différentes casquettes.
Ainsi, la question de la maternité pour une femme souhaitant avoir une carrière pose donc un douloureux problème. Elisabeth Badinter remarque très justement que de nos jours « […] la maternité n’est plus […] le facteur de plénitude du soi féminin ». La carrière et la réalisation professionnelle tiennent désormais une place importante dans les objectifs de vie de nombreuses femmes. C’est notamment au moment de la maternité que des inégalités se révèlent sur le plan professionnel. Malheureusement, actuellement le congé maternité et le fondement d’une famille peuvent, par exemple, amener la perte de revenus ou freiner la possibilité d’avancement pour la femme. Car dans la majorité des couples, contrairement à l’homme, la femme sacrifie ses rendez-vous et aménage son emploi du temps professionnel en fonction des horaires scolaires, des possibilités de gardes des enfants ou des rendez-vous médicaux. De même que l'inégalité sur le congés maternité ne permettent pas aux femmes de faire évoluer leur carrière de manière sereine parallèlement à leur vie de maman.
Mais les standards de perfection des rôles féminins les maintiennent dans la croyance où elles sont tenues d’assurer sans faille, tout en travaillant, la gestion de leur famille et de leur foyer comme le faisait leurs mères qui, elles, en revanche, ne travaillaient pas ! Etre une Wonder Maman !
Même si les hommes aujourd’hui admettent l’émancipation féminine, qui passe par la réussite de leur carrière, cela ne doit pas nuire à la bonne gestion de la sphère domestique toujours dévolue à la femme. Le mari n’intervient que ponctuellement dans ce domaine. Pour Pascale Molinier, « certes elle a le droit de choisir un travail intéressant et exigeant mais pas au détriment de ses deux autres valeurs fondamentales : fonder un couple stable et avoir des enfants dont il faut s’occuper comme une « vraie » mère doit le faire en les faisant passer avant la carrière et les intérêts personnels » . D'ailleurs, des filles de féministes ont réagi lors que leurs mères ont tenté de se détacher de ce modèle. Elisabeth Badinter rappelle que les années 70, ces filles reprochaient " tu as tout sacrifié à ton indépendance, y compris toi-même. Tu ne m'as pas donné assez d'amour, assez de soin, assez de temps. Toujours pressée, toujours fatiguée, tu as cru que le temps que tu me consacrais valait mieux que la quantité. en vérité, je n'étais pas la priorité de tes priorités et tu n'as pas été une bonne mère. Je ne referai pas cela à mes enfants. "
Cette injonction à devoir tout maîtriser, à être une femme accomplie, une mère parfaite, une professionnelle au top déclenche ce réflexe d’épuisement que l’on nomme " charge mentale " et freine l'épanouissement serein de la femme .
Nous aborderons le sujet de la "charge mentale" plus en détails dans un article ultérieur. Dans le prochain... être une professionnelle parfaite... ça vous parle ? :-)
D'ici là prenez soin de vous !
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Valérie (samedi, 03 juin 2017 15:22)
Bonjour,
Il est bien évident que la société actuelle nous demande d'être au top en tant qu'épouse, que mère, que grand mère !!!! Pourquoi n'en demande t ont pas autant aux hommes ? Ils n'ont "au regard de la société" que le rôle de rapporter l'argent au foyer. Les femmes doivent traiter de plein fouet leurs vies professionnels, leurs vie familiales.
En tant que femme seule à élever mes enfants, il est bien évident que je dois être wonder woman !! Mais même wonder woman prenait des temps de pause sur son île paradisiaque, chose que je n'arrive plus à faire.
Une femme qui travaille est égoïste aux yeux des autres, car elle ne donne pas assez de temps à ses enfants, une femme qui ne travaille pas est une faignante !!!!
Bref, la femme parfaite, tout comme l'homme, n'existe pas. Chacune fait au mieux selon ses possibilités.
Cordialement, Valérie
Catherine Ellissèche (dimanche, 04 juin 2017 02:35)
Bonjour Valérie,
Je vous remercie pour votre témoignage. De nombreuses femmes se sont battues et ont fait avancer la cause féminine mais il nous reste en effet encore un (trop) long chemin à parcourir pour que les mentalités évoluent et changent : qu'une femme puisse enfin évoluer dans son travail comme elle le souhaite et que la femme qui fait le choix de rester au foyer soit reconnue comme une travailleuse à part entière car nous sommes bien d'accord, elle fait un boulot énorme. Heureusement, de plus en plus d'hommes aident à la maison.
Je vous rejoins totalement sur le fait que la femme parfaite ou l'homme parfait n'existe pas. D'ailleurs la perfection est un mythe. Elle n'existe pas. C'est un sujet que j'aborderai plus tard dans cette série d'article. Chacune et chacun en effet fait comme il peut, de son mieux.
Je vous souhaite Valérie de pouvoir inclure dans votre emploi du temps de Wonder Woman des temps de pause.
Bien cordialement
Catherine